Par Kévin Arrouet
Les orchidées indigènes
Bien que de réputation exotiques et tropicales, les orchidées sont en réalité également présentes sous nos latitudes, dans les forêts, prairies, montagnes, tourbières et marais d’Europe. On dénombre ainsi plus de 150 espèces d’orchidées indigènes en France, avec une diversité plus marquée dans les régions méridionales.
Parmi les plus communes de nos régions, l’ophrys abeille (Ophrys apifera) et l’orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis) sont communs et présents sur quasiment tout le territoire, dans les pelouses, prairies et sur les abords des routes, mais aussi apparaissant naturellement dans les jardins de chanceux dont le terrain est favorable à leur apparition. D’autres, plus rares, comme le célèbre sabot de Vénus (Cypripedium calceolus) ou le discret epipogon sans feuille (Epipogium aphyllum) préfèrent les flancs abrités des forêts montagneuses.
La période de floraison de nos orchidées indigènes s’étale de la mi-décembre pour les plus précoces à juillet pour les plus tardives, avec un pic de floraisons entre avril et juin. Une exception toutefois, la Spiranthe d’automne fleurit après les premières pluies d’automne et se différencie donc des autres espèces. Souvent de petite taille, la floraison se révèle parfois être de la véritable joaillerie, c’est le cas notamment chez les ophrys dont les fleurs sont très détaillées, avec chez certaines espèces des parties brillantes mimant à de petits miroirs. Cependant, la plupart est observable dès l’entrée de l’automne avec l’apparition de leurs feuillage en rosettes de feuilles brillantes bien caractéristiques.
Leur beauté, leur rareté et leur fragilité les rend sujettes à une forte pression écologique, aussi bien de la part de l’homme que de la nature elle-même. C’est pourquoi il est important de contribuer à leur protection afin de préserver la diversité écologique de notre flore.
Comment les protéger ?
Dans la nature
Si toutes les orchidées indigènes ne sont pas protégées nationalement ou localement, il est toutefois fortement déconseillé de les cueillir ou de les déterrer de leur milieu. En effet, elles font partie d’un écosystème fragile et elles entretiennent pour la plupart une relation symbiotique vitale avec des champignons mycorhiziens. Tout changement brutal peut compromettre cette frêle relation, entraînant la mort de l’orchidée. Pour les espèces protégées régionalement ou nationalement, le prélèvement ou l’arrachage de tout ou partie de la plante est simplement interdit.
Sans compter l’homme, les orchidées indigènes subissent des pressions de l’environnement. Sécheresse, destruction par les sangliers pour les manger, périodes de gel exceptionnelles… L’homme, en étendant ses agglomérations, détruit l’environnement dans lequel ces orchidées évoluent. Ajouté à cela le prélèvement sauvage, soit des fleurs pour créer un bouquet, soit de la plante en entier pour tenter de l’avoir dans son jardin, nuit grandement aux orchidées sauvages.
Mais l’homme ne fait pas que détruire les populations d’orchidées sauvages. Les prairies de pâturage notamment sont très importantes pour un bon nombre d’espèces. En effet, elles leur fournissent un milieu ouvert, dépourvu de concurrence arbustive ou arborée. Une fois ces prairies laissées à l’abandon, les arbres prennent le dessus sur les plantes herbacées, le milieu se referme, et les orchidées finissent par en disparaître. Des opérations d’entretien de zones ouvertes sont organisées par des associations locales afin de préserver ces milieux riches en biodiversité.
Pour protéger les espèces les plus rares de l’arrachage sauvage, certaines orchidées sont protégées régionalement, voire même nationalement. C’est le cas du Cypripedium calceolus, dont le déclin notable l’a mené à une protection sur tout le territoire français et dans plusieurs pays européens.
Lors de vos promenades en nature, observez les plantes, prenez-les en photo, mais que ce soient des orchidées ou d’autres plantes ne les cueillez pas, vous leur permettrez ainsi de produire des graines pour perpétuer l’espèce et contribuerez, à votre manière, à leur protection.
Chez soi
Si vous faites partie des chanceux chez qui une ou plusieurs espèces d’orchidées ont décidé d’élire domicile, ne tentez pas de les déplacer, sous peine de menacer leur survie. Pour ne pas oublier leur emplacement et risquer de les faire passer sous la tondeuse, vous pouvez marquer leur emplacement en plantant un bout de bois ou un tuteur à une dizaine de centimètres du pied, pour ne pas abîmer les tubercules et les racines.
Si aucune orchidée n’est présente dans votre jardin, vous pouvez favoriser l’apparition d’espèces locales par semis spontané en suivant les quelques conseils qui suivent.
La plupart des orchidées indigènes affectionnent les milieux ouverts, au milieu d’une végétation herbacée et sur des sols pauvres et drainants. C’est pourquoi on en trouve souvent dans les talus et coteaux. Il vous faudra donc en premier lieu un milieu ouvert, comme une pelouse transformée en prairie, bien exposée au soleil, sur laquelle vous utiliserez la méthode du fauchage tardif avec ramassage des coupes. Proscrivez tout apport d’engrais, qui favoriserait les espèces ligneuses. Le but est en effet d’appauvrir le sol, ce qui aura pour effet d’inciter à une plus grande diversité végétale.
La nature du sol, son humidité, l’ensoleillement de la parcelle et la présence d’un champignon adapté sont autant de facteurs qui favoriseront ou non l’apparition d’orchidées indigènes dans votre jardin. En créant un environnement favorable à l’apparition de ces orchidées, vous aurez peut-être la chance au bout de quelques années d’observer sur votre terrain des espèces indigènes à votre région se développer et apparaître en plus grand nombre chaque année.
Des associations locales d’orchidophiles passionnés existent pour répondre à vos questions ou vous emmener en sorties d’observations à la découverte de nos orchidées indigènes, alors n’hésitez pas à vous renseigner et ouvrez l’œil sur ce monde encore peu connu.