AFCPO

Les Maxillarias (extraits de la revue 86)

Définition du genre Maxillaria

Le genre Maxillaria a été brièvement décrit par Ruiz & Pavón dans Florae Peruvianae et Chilensis Prodromus, en 1794. La description est accompagnée d’une gravure représentant une fleur et un fruit, sans mention du nom de l’espèce illustrée. En 1798 dans Systema vegetabilium florae peruvianae et chilensis, Ruiz & Pavón feront une description succincte de l’espèce-type mais sans la nommer précisément. Cependant, ils citeront les douze espèces qu’ils avaient récoltées dans leur expédition au Pérou et Chili.

Aujourd’hui, il a été clairement établi que l’espèce-type décrite et illustrée pour définir le genre est Maxillaria platypetala. De plus, il est admis que seules deux espèces sur les douze citées appartiennent véritablement à un genre Maxillaria stricto sensu. Il n’est pas certain que les deux auteurs espagnols aient eu une idée précise du genre qu’ils avaient créé. Cet état de fait a favorisé le regroupement de très nombreuses espèces polymorphes au sein d’une même unité taxonomique, cela pendant deux siècles.


La révision du genre par plusieurs botanistes panaméricains, publiée dans Lankesteriana en 2007, a démontré l’existence de lignées d’origine diverses le composant. Cette recherche phylogénétique nous permet maintenant de mieux définir ce que nous pouvons dénommer comme étant un véritable Maxillaria.
Les espèces se rattachent clairement aux sections Aggregatae Pfitzer, Amazonicae Christenson, Arachnites Christenson et Maxillaria.

En nous concentrant sur certains détails de la fleur d’un Maxillaria lehmannii par exemple, particulièrement à l’organisation du labelle, de la colonne, des pollinies et de l’anthère, nous pouvons retenir que :

  • le labelle est toujours articulé et normalement trilobé ; il possède un cal souvent proéminent, longitudinal ou transversal, fréquemment recouvert de papilles, de poils ou de pseudopollen ;
  • la colonne est clavée, arquée, souvent canaliculée, avec un pied assez long qui forme un menton avec les sépales latéraux ; il n’y a pas d’ailes sur les côtés de la cavité stigmatique ;
  • les pollinies sont toujours en deux paires inégales, l’une des pollinies étant imbriquée dans l’autre ; elles se rattachent au viscidium par un tegula souvent très court, deltoïde ; le viscidium est en forme de croissant ou de fer à cheval ;
  • les pollinies sont toujours en deux paires inégales, l’une des pollinies étant imbriquée dans l’autre ; elles se rattachent au viscidium par un tegula souvent très court, deltoïde ; le viscidium est en forme de croissant ou de fer à cheval ;
  • l’opercule de l’anthère est conique-globuleux et peut présenter différentes ornementations (papilles, poils, crêtes) ;
  • l’anthère peut également avoir des ornementations sur son pourtour.
    Les spécimens ne rassemblant ces caractéristiques primordiales doivent être considérés comme appartenant à un genre différent.

Références

Mario A. Blanco, Germán Carnevali, W. Mark Whitten, Rodrigo B. Singer, Samantha Koehler, Norris H. Williams, Isidro Ojeda, Kurt M. Neubig & Lorena Endara, 2007 : Generic realignments in Maxillariinae (Orchidaceae), Lankesteriana 7(3): 515-537.

P. Sauvêtre, 2009 : Les Maxillarias, Belin.

Les Maxillarias du Jardin du Luxembourg

La collection d’orchidées du Jardin du Luxembourg a pour origine celle constituée peu avant 1838 au jardin botanique de la Faculté de médecine de Paris. En effet, Achille Richard, professeur de botanique médicale, souhaitait y faire cultiver des orchidées de manière à disposer de matériel vivant pour ses travaux. Les quatre espèces déjà cultivées sont ainsi enrichies par l’arrivée en août 1838 de plusieurs dizaines de spécimens brésiliens. Les succès de culture obtenus par les jardiniers Baptiste Lhomme et Auguste Rivière ainsi que les nombreuses relations d’Achille Richard permirent d’accroître rapidement la collection ; elle devint ainsi l’une des plus riches d’Europe pendant les années 1850. Cependant en 1860, la collection est léguée au tout proche Jardin du Luxembourg lorsque le jardin botanique de la Faculté de médecine se trouve supprimé suite au percement du boulevard Saint Michel. Depuis lors, cette précieuse collection a toujours été préservée et enrichie au sein de cet admirable jardin parisien.

Période Faculté de médecine (1838-1859)

Au tout début de la collection, on ne trouve point de Maxillaria. Cependant, on peut augurer qu’il se trouvait peut être un Maxillaria picta ou un Maxillaria ubatubana dans le lot d’orchidées expédiées par le médecin José Antonio Peixoto. Si nous ne possédons malheureusement aucun document concernant les 33 espèces du Brésil arrivées en 1838, nous avons la notification d’un Maxillaria squalens qui fleurit en premier dans ce lot ; il s’agissait en fait d’un Xylobium squalens.
Par la suite, nombre d’orchidées furent aussi reçues d’Amérique tropicale, principalement du Mexique et Guatemala, de Cuba, des Antilles et de Guyane. Les spécimens de Maxillaria déposés par Auguste Rivière entre 1845 et 1854 à l’herbier du Muséum National d’Histoire Naturelle, nous permettent de connaitre quelques espèces cultivées dans ce jardin botanique :

  • Maxillaria coccinea (= Ornithidium coccineum) de Saint Vincent
  • Maxillaria lindleyana (= Maxillaria crocea) du Brésil
  • Maxillaria ochroleuca du Brésil
  • Maxillaria punctulata (= Brasiliorchis marginata) du Brésil
  • Maxillaria ubatubana (= Brasiliorchis ubatubana) du Brésil
  • Maxillaria variabilis (= Maxillariella variabilis) du Mexique

C’est en 1845 qu’Achille Richard et Henri Galeotti publient un mémoire, Orchidographie mexicaine, dans lequel ils décrivent de nouvelles espèces :

  • Maxillaria aurantiaca (= Xylobium aurantiacum)
  • Maxillaria brachyglossa (= Trigonidium egertonianum)
  • Maxillaria galeottiana (espèce non reconnue)
  • Maxillaria hematoglossa (= Camaridium cucullatum)
  • Maxillaria lindeniana

De cette liste, une seule espèce se révèle véritablement nouvelle, les autres ayant déjà été décrites par John Lindley. Faute de document, nous ne savons pas si ces espèces ont été cultivées au Jardin botanique ; Richard utilisait autant des spécimens d’herbier que des plantes vivantes de la collection pour ses publications.
Achille Richard fera aussi la description de deux autres espèces, en provenance de Guyane, et qui étaient cultivées dans la collection. Cependant, il n’y aura pas de publication pour ces nouveautés car le professeur décède en octobre 1852. Ainsi son Maxillaria petiolaris sera officiellement décrit avec le nom Maxillaria desvauxiana par le botaniste allemand Reichenbach en 1854, à partir d’un spécimen du Jardin botanique envoyé par le botaniste Emile Desvaux. Quant à son Maxillaria vanillodora, il avait été depuis longtemps décrit par Lindley, en 1836, sous le nom de Maxillaria rufescens.
Après la disparition de Richard, la collection continue de prospérer sous la houlette du professeur Moquin-Tandon et surtout grâce aux soins attentionnés des jardiniers Lhomme et Rivière. Ce dernier avait tenté des hybridations et des semis d’orchidées dès 1848, au grand dam de ses responsables. Il est avéré qu’il avait réussit le semis de Maxillaria punctulata avant de quitter le Jardin botanique et devenir le chef jardinier du Jardin du Luxembourg en 1859.
En vingt ans, la collection de la Faculté de médecine sera devenue l’une des plus importantes d’Europe et l’une des trois premières de France avec celles des collectionneurs Quesnel et Pescatore. On peut estimer qu’il y aura eu en permanence une dizaine d’espèces de Maxillaria en culture dans cette collection pendant cette période. A la même époque, il existe une autre remarquable collection d’orchidées contenant 40 espèces de Maxillaria ; celle du consul Schiller en Allemagne.

Période Rivière (1860-1877)

Les orchidées du Jardin botanique de la Faculté de médecine sont transférées dans une serre nouvellement construite à cet effet, au Jardin du Luxembourg, à partir de 1861. Une série de relevés des floraisons dans cette serre sont notifiés par Auguste Rivière dans le Journal de la Société Impériale et Centrale d’Horticulture, entre mars 1862 et février 1863. Ajouté à d’autres sources documentaires, nous pouvons ainsi avoir une indication des espèces de Maxillaria qui y sont cultivées :

  • Maxillaria atropurpurea (= Bifrenaria atropurpurea)
  • Maxillaria cucullata (= Camaridium cucullatum)
  • Maxillaria desvauxiana (= Mapinguari desvauxianus)
  • Maxillaria lineata (= Maxillaria gracilis)
  • Maxillaria lutea (espèce non reconnue)
  • Maxillaria luteoalba
  • Maxillaria nana (= Ornithidium uncatum)
  • Maxillaria picta (= Brasiliorchis picta)
  • Maxillaria picta major (= Brasiliorchis ubatubana)
  • Maxillaria variabilis (= Maxillariella variabilis)
  • Maxillaria venusta

Nous retrouvons majoritairement les espèces provenant du Brésil et du Mexique. Il est à noter que si nous appliquons la mise à jour du genre Maxillaria, il ne reste plus que deux véritables espèces représentant ce genre à l’époque.
Nous apprenons par Reichenbach que, en 1867, Auguste Rivière lui avait fait parvenir à nouveau des fleurs de Maxillaria desvauxiana. Cette espèce sera ainsi une nouvelle fois présentée par le botaniste allemand dans Refugium Botanicum, en 1882.

Période Jolibois-Opoix (1877-1923)

Après la disparition de Rivière en 1877, la collection est dirigée par son adjoint, Roch Jolibois. C’est à partir de ce Chef jardinier que la collection se spécialise dans le genre Paphiopedilum et les premiers hybrides apparaissent vers 1885. La collection ne semble pas s’enrichir de nouvelles espèces de Maxillaria. Cependant aucune liste de cette époque ne nous est parvenue. Nous trouvons seulement dans L’Orchidophile (1891) de Godefroy-Lebeuf la mention d’un « Maxillaria grandiflora presque toujours fleuri ». Ce spécimen devait être plus probablement un Maxillaria lehmannii.
Octave Opoix remplacera Jolibois, décédé en 1893. Il sera un spécialiste de l’hybridation du Paphiopedilum jusqu’à son départ à la retraite en 1923. Ces trente années de direction ne paraissent pas avoir favorisé non plus les maxillarias.

Période Cuny-Grisvard (1923-1974)

La période des Conservateurs Léon Cuny et Paul Grisvard a permis de préserver la collection. Les relevés partiels effectués en 1932, 1945 et 1952 dans la serre ne nous mentionnent aucun Maxillaria.

Période contemporaine

A partir des années 1980-90, quelques espèces de Maxillaria nous parviennent soit du Muséum de Paris, soit de l’établissement de Marcel Lecoufle à Boissy Saint Léger. Maxillaria luteoalba sera l’unique exemplaire acheté auprès du producteur brésilien Floricultura ; il s’agit en fait d’un Maxillaria luteograndiflora.

En 1984, seulement quatre espèces sont relevées dans la collection

  • Maxillaria luteoalba
  • Maxillaria picta (Brasiliorchis picta)
  • Maxillaria tenuifolia (Maxillariella tenuifolia)
  • Maxillaria variabilis (Maxillariella variabilis)

En 1990, neuf espèces et une variété avant l’arrivée des maxillarias guyanais :

  • Maxillaria coccinea (Ornithidium coccineum)
  • Maxillaria luteoalba (en fait, luteograndiflora)
  • Maxillaria marginata ( Brasiliorchis marginata)
  • Maxillaria picta (Brasiliorchis picta)
  • Maxillaria pumila ( Christensonella pumila)
  • Maxillaria rufescens (Mormolyca rufescens)
  • Maxillaria sanguinea ( Maxillariella sanguinea)
  • Maxillaria tenuifolia (Maxillariella tenuifolia)
  • Maxillaria variabilis (Maxillariella variabilis)
  • Maxillaria variabilis var. media (Maxillariella variabilis)

En octobre 1993, le nombre des espèces augmente grandement avec l’arrivée des orchidées de Guyane française. En effet, l’AFCPO nous confie une partie des maxillarias collectés sur le site du futur barrage de Petit Saut. Ces spécimens font partie du programme de conservation ex situ dans lequel sont impliqués neuf jardins botaniques métropolitains. Une grande majorité des spécimens avaient été prédéterminés sur place. Il nous incombait ainsi de confirmer ou de trouver l’identité de ces maxillarias. Ces plantes arrivées dans leur état naturel furent triées, listées, étiquetées, empotées, traitées aux pesticides et maintenues en quarantaine dans une serre isolée. Ce gros travail se révélait très enthousiasmant ; nous nous retrouvions quelque peu dans la situation de nos prédécesseurs du XIX ème siècle. La mise en culture de ces plantes dans la serre de collection ne posa aucun problème ; ces orchidées devenaient même un peu trop rapidement volumineuses en regard de l’exiguïté des lieux. Finalement, nous avons confirmé la validité de la plupart des prédéterminations et corrigé l’identité de trois espèces : M. acutifolia pour M. rufescens var. minor, M. kegelii pour M. parkeri, M. santanae pour M. bolivarensis.

Voici la liste des espèces confiées au Jardin du Luxembourg :

  • Maxillaria acutifolia (Mormolyca acutifolia)
  • Maxillaria alba (Maxillariella alba)
  • Maxillaria camaridii (Camaridium ochroleucum)
  • Maxillaria conferta (Ornithidium confertum)
  • Maxillaria discolor (Heterotaxis discolor)
  • Maxillaria kegelii
  • Maxillaria ringens
  • Maxillaria rufescens (Mormolyca rufescens)
  • Maxillaria santanae (Heterotaxis santanae)
  • Maxillaria splendens
  • Maxillaria superflua (Heterotaxis superflua)
  • Maxillaria uncata (Christensonella uncata)
  • Maxillaria villosa (Heterotaxis villosa)
  • Maxillaria violaceopunctata (Heterotaxis violaceopunctata)

Nous avions alors 14 espèces sur les 25 recensées en Guyane française. Il faut préciser que le nombre de spécimen par taxon était très variable, allant de 2-3 individus à plusieurs dizaines. Les plus représentés étaient sans conteste les M. rufescens et M. villosa. A ceux-là, nous avons pu ajouter plus tard quatre autres espèces guyanaises en provenance du Muséum : M. desvauxiana (Mapinguari desvauxianus)
M. caespitifica, M. reichenheimiana et M. stenophylla, portant le total à 18 sur 25. Néanmoins, si nous appliquons aujourd’hui la révision de 2007 à toutes ces espèces, nous pouvons constater que nous avons 4 Maxillaria stricto sensu sur les 5 recensés en Guyane.
La plupart de ces espèces sont toujours grandement représentées dans la collection, mis à part les M. uncata que nous avons complètement perdus après 2006.
A partir de l’année 2000, j’ai commencé à donner au Jardin du Luxembourg des divisions de plantes issues de ma propre collection : M. lehmannii en est le premier exemple. Par la suite ont suivi M. sanderiana en 2005, M. fletcheriana et M. striata en 2007 puis de nombreux autres en 2010 : M. anatomorum, M. hirtzii et M. nutans pour ne citer qu’eux.

En 2011, on peut recenser 55 espèces de Maxillaria lato sensu (21 espèces stricto sensu) dans la collection du Jardin du Luxembourg.

Deux espèces emblématiques de la collection :

Maxillaria lehmannii Rchb.f

Ce Maxillaria a été découvert par Carl Friedrich Lehmann, ingénieur des Mines et Consul d’Allemagne à Popayán, Colombie. Il fut l’un des plus grands collecteurs d’orchidées à la fin du XIXème siècle dans la région andine.
C’est en Équateur près de Cuenca, vers 1 800 – 2 000 m d’altitude, qu’il rencontra cette remarquable espèce, en avril 1876. Elle fut décrite par le botaniste allemand Heinrich Gustav Reichenbach en 1878. Malgré une description précise, cette espèce se trouve depuis et encore confondue avec le proche mais néanmoins distinct Maxillaria grandiflora. De nombreuses plantes actuellement commercialisées avec le nom M. grandiflora sont fréquemment mal identifiées. Pourtant Maxillaria lehmannii s’en distingue aisément par la grande taille de ses fleurs et le coloris particulier de son labelle.
Cette espèce semble inféodée aux Andes colombiennes et équatoriennes, où elle vit dans les forêts humides, en épiphyte ou terrestre, dans la zone des 1 500 – 3 000 m d’altitude. Elle y fleurit entre mai et juillet et est pollinisée par des abeilles (Eulaema) et par des bourdons (Bombus).
Les spécimens du Jardin du Luxembourg proviennent de deux souches distinctes : un premier individu issu d’une division de l’une de mes plantes en 2000, puis plusieurs individus provenant d’un semis réalisé en avril 2005. Après quatorze mois de culture au laboratoire, les jeunes plantes ont été repiquées dans la serre de collection. Il aura fallu six années de culture pour obtenir les premières floraisons en avril-mai 2011.
Maxillaria lehmannii apprécie une culture en climat tempéré-frais (13-15 ° C la nuit, 18-20 ° C le jour), avec une hygrométrie assez élevée (60 à 80 %) mais toujours une bonne ventilation. Le substrat idéal est composé de 2 parts de sphagnum grossier pour 1 part d’écorces de pin (calibre 10-15 mm), permettant une bonne rétention en eau. Les arrosages sont copieux ; deux à trois fois selon la saison et les conditions météorologiques. Le trempage des plantes est souhaitable une fois par semaine en période estivale. Les bassinages quotidiens également. Bien cultivé, ce Maxillaria peut produire une floraison de 15 à 20 fleurs à la fois, perdurant de cinq à six semaines. Les fleurs sont très agréablement parfumées, rappelant la senteur des fruits à noyau (abricot, pêche, prune).

Maxillaria rufescens Lindl.

Cette espèce est l’une des plus connues et des plus cultivées dans le genre. Elle a été introduite de Trinidad (Venezuela) en Angleterre par les établissements Low & Co. Elle fleurit pour la première fois dans ce pays en 1834, dans la collection du Duc de Devonshire. A partir de ce spécimen, l’espèce fut décrite par le botaniste anglais John Lindley en 1836. On retrouve ce Maxillaria dans la collection du Jardin botanique de la Faculté de Médecine vers 1845-1850. En effet, le botaniste Achille Richard avait obtenu des orchidées guyanaises par l’intermédiaire du collectionneur Edouard Quesnel, riche armateur du Hâvre qui possédait une plantation près de Cayenne. Ignorant le travail de Lindley, Richard souhaitait décrire cette espèce avec le nom Maxillaria vanillodora afin de bien souligner le délicieux parfum émis par ses fleurs. Hélas, il décède en 1852 avant que de publier cette description. En 1857, Reichenbach citera néanmoins ce nom tombé en synonymie. Maxillaria rufescens semble disparaitre de la collection d’orchidées avant qu’elle ne devienne la propriété du Sénat en 1860. Nous retrouvons cette espèce en octobre 1993 avec le premier lot de plantes guyanaises récupérées sur le site de Petit Saut. De ces dizaines de plantes, nous avons pu remarquer une grande hétérogénéité au niveau coloris et taille des fleurs, toutes ayant en commun cet admirable parfum de vanille. Néanmoins, le botaniste américain Christenson avait récemment remis en cause la définition de Maxillaria rufescens : sa distribution géographique, les dimensions et coloris des pièces florales ainsi que le fait que le caractère parfumé de cette espèce n’avait jamais été souligné par Lindley. Il a décrit en 2010 Maxillaria vanillosma à partir d’un spécimen bolivien qui pourrait se rapporter à notre taxon guyanais. Cependant, on peut également relever des caractéristiques morphologiques intermédiaires à ces deux espèces pour nos spécimens. Christenson était à l’étude de cette « alliance Rufescens » au moment de son décès. La question reste pour l’instant en suspens.
D’autre part, l’appartenance de cette espèce au genre Maxillaria avait été revue dès 2007 par plusieurs botanistes américains ; aujourd’hui considérée comme Mormolyca rufescens.
Quoiqu’il en soit, cette orchidée mérite amplement sa place dans toute collection pour sa compacité, sa floribondité ou le remarquable parfum de ses fleurs.
Nous cultivons nos plantes dans le compartiment tempéré-chaud de la serre (18° C la nuit – 22° C le jour), avec une hygrométrie élevée mais surtout une bonne ventilation. La majorité des plantes sont tenues en pots suspendus, dans un substrat composé de 5/8 d’écorce de pin et de 3/8 d’argile expansée. L’arrosage et la fertilisation se font assez régulièrement toute l’année sauf en période hivernale où on les allège quelque peu.
Ce sont des orchidées faciles qui fleurissent presque toute l’année, principalement entre septembre et novembre.

Références

P. Bertaux & P. Sauvêtre, 2010 : Cent cinquante ans d’orchidées au Jardin du Luxembourg, Naturalia Publications.

Eric A. Christenson, 2010 : A showy new species of Maxillaria (Orchidaceae) from Bolivia. Richardiana 10(2): 95.

P. Sauvêtre, 2009 : Les Maxillarias. Belin.

Eric Alston Christenson (1956-2011)Disparition d’un spécialiste des Maxillarias

Eric Alston Christenson était natif du Connecticut. Dès son plus jeune âge, il fut intéressé par le monde végétal et particulièrement celui des orchidées. Membre de la Connecticut Orchid Society, il donnait déjà à 14 ans sa première conférence sur les Phalaenopsis. Tout naturellement son cursus scolaire s’orienta vers les matières scientifiques ; un master en génétique et surtout un doctorat en systématique végétale avec pour sujet de thèse une révision du genre Aerides.

Eric Christenson travailla pendant quelques années au Marie Selby Botanical Gardens, à Sarasota en Floride, où il fut en charge du laboratoire in-vitro. Il y était également chargé de l’édition de la revue Selbyana. Après quelques années au service de ce jardin botanique, Eric Christenson devint botaniste indépendant et collabora un temps avec le New York Botanical Garden.

Sa passion des orchidées le fit voyager dans de nombreux pays d’Asie et d’Amérique tropicale où le travail de terrain était toujours complété par celui dans les herbiers. Un trait particulier le distinguait particulièrement de ses confrères botanistes : Eric faisait constamment le lien entre la botanique et l’horticulture.

On lui doit la description de très nombreuses espèces nouvelles mais également la redécouverte d’espèces disparues.

Il fut un auteur prolifique avec plus de 400 articles concernant les orchidées, publiés dans nombre de revues orchidophiles (Die Orchidee, Orchid Review, Orchids, Richardiana) et collabora avec plusieurs revues scientifiques (Brittonia, Lindleyana, Phytotaxa).

On lui doit aussi plusieurs ouvrages d’importance : Icones Orchidacearum Peruvianum (1993-2001), en collaboration avec David E. Bennett (1921-2009), décrivant plus de 800 espèces du Pérou et A Revision of the Genus Phalaenopsis, monographie du genre Phalaenopsis en 2001.

Il a également traité le chapitre sur la famille Orchidacées dans un ouvrage collectif sur les plantes du centre de la Guyane française (Guide to the Vascular Plants of Central french Guyana) édité en 1997.

Eric Christenson était l’un des meilleurs spécialistes du genre Maxillaria, ayant décrit depuis 1995 quelques 76 espèces. Il devait publier prochainement une monographie sur ce genre. Il est décédé en avril 2011 à son domicile de Bradenton, en Floride, avant que de pouvoir achever cet ouvrage. Il semblerait que cette monographie soit pourtant publiée d’ici la fin 2012.

Lors de son dernier voyage, à Bogota, en mai-juin 2010, Christenson avait comme à son habitude consulté les principaux herbiers et rencontré des botanistes, des collectionneurs et des cultivateurs colombiens. Il en a résulté plusieurs publications concernant la description de nouvelles espèces, par exemple M. colombiana, M. ortizii et M. tectasepala ou la redécouverte d’espèces perdues comme M. langlassei (Orchid Review, 2011). Il avait en projet un voyage à Quito pour compléter sa connaissance des orchidées andines et principalement des Maxillarias; sa mort prématurée l’en aura empêché.

Des botanistes lui ont rendu hommage de son vivant ; ainsi les genres Christensonia Haager (1993) et Christensonella Szlachetko (2007) lui ont été dédiés. De nombreuses espèces ont été également nommées en son honneur ; je ne citerai que Maxillaria christensonii Bennett (1998), originaire du Pérou.

Références

E. A. Christenson, 2010 : Bogota Report October 2010, Orchid News & Views, 9 (11): 20-21.

E. A. Christenson, 2011 : Three new species of Maxillaria and two rediscovered species, Orchid Review, 119 (1294): 91-99.

Ann & Phil Jesup, 2011 : Eric Christenson. A Gifted Researcher with a passion for Botany and Horticulture, Orchids, 80 (7): 398-401.

Les Maxillarias : principaux repères chronologiques.

1777-1788 : expédition franco-espagnole au vice-royaume du Pérou (Pérou et Chili actuels). Le médecin-botaniste français Joseph Dombey et les deux pharmaciens espagnols Hipolito Ruiz Lopez et José Pavón y Jimenez y découvrent les premiers spécimens de Maxillaria.

1794 : Le genre Maxillaria est décrit pour la première fois par Ruiz et Pavon dans Florae Peruvianae et Chilensis Prodromus. Cependant la description est brève, accompagnée de la gravure d’une fleur type dans désignation de l’espèce représentée. Il est indiqué que ce genre contient douze espèces qui ne sont pas nommées.

1798 : Ruiz et Pavón citent les douze espèces découvertes pendant leur expédition, dans Systema vegetabilium florae peruvianae et chilensis. Aujourd’hui, seuls Maxillaria longipetala et Maxillaria platypetala sont reconnus comme appartenant véritablement à ce genre.

1801 : découverte de Maxillaria grandiflora par Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland pendant leur séjour à Popayan, dans le sud-ouest de la Colombie.

1827 : première floraison d’un Maxillaria en culture en Europe ; il s’agit de Maxillaria parkeri au Liverpool Botanic Garden.

1831 : introduction de Maxillaria picta du Brésil.

1834 : introduction de Maxillaria rufescens de Trinidad.

1835-1845 : voyages de l’horticulteur belge Jean Linden en Amérique tropicale d’où il rapporte de nombreuses espèces de Maxillaria en Europe.

1837 : première tentative de division du genre Maxillaria par le botaniste américain Rafinesque.

1830-1840 : dans The Genera and Species of Orchidaceous Plants, le botaniste anglais John Lindley décrit les 40 espèces connues alors dans le genre Maxillaria.

1843 : première révision du genre Maxillaria par John Lindley dans Edwards’s Botanical Register. Le botaniste ne conserve que 17 espèces sur les 40 précédemment nommées.

1876 : Lehmann découvre Maxillaria lehmannii en Equateur.

1883 : découverte de Maxillaria sanderiana par Klaboch au Pérou.

1969 : Brieger et Hunt désignent Maxillaria platypetala comme étant l’espèce type présentée sans être nommée par Ruiz et Pavon en 1794.

1972 : Garay et Sweet proposent curieusement Maxillaria ramosa comme espèce type pour le genre Maxillaria.

1997 : Garay révise son étude et reconnait Maxillaria platypetala comme espèce type.

2002 : Christenson publie dans Richardiana une Vue d’ensemble du genre Maxillaria, dans laquelle il présente 19 sections dont 8 nouvelles, ainsi qu’une présentation du complexe « Grandiflora ».

2007 : révision du genre Maxillaria par neufs botanistes panaméricains à partir de l’étude de l’ADN de 354 espèces. Les auteurs reconnaissent l’existence de 17 genres, pour certains nouveaux, pour d’autres réhabilités, transférés, confirmés ou circonscrits (Generic realignments in Maxillariinae (Orchidaceae), Lankesteriana).